– Pourquoi avoir voulu faire un film sur le corps d’un homme rendu par la montagne ?

Le récit s’inspire d’une histoire de famille, un fantôme resté tabou et comme tous les fantômes un jour ils reviennent. Ainsi ce grand-oncle disparu un jour de 1957 a basculé dans la légende familiale.

– Le texte est-il de vous ?

Le texte reprend le fil d’une ascension réelle que j’ai romancé et nous immerge ainsi d’emblée dans la partie contée du film, comme on rapporte un récit d’aventure le soir à la veillée.

– Que dit votre film de l’amour ? De la mort ? Du temps qui passe ? De l’attente ?

Une image forte s’est également imposée à ce désir de ce film :  l’alpiniste anglais Georges Mallory réapparut à la surface de l’Everest après plusieurs décennies et conservé dans sa jeunesse. Je repensais à ce grand oncle, à sa veuve.  La montagne pourrait lui rendre la jeunesse d’un mari conservé dans le temps.La réapparition de Mallory me confirmait cette éventualité aussi merveilleuse qu’effrayante. Le film travaille donc une image obsédante, improbable, celle d’un amour revenu intact après soixante-dix années d’absence. Une vie de femme à passer. Un amour de jeunesse est scellé à jamais dans la glace. ‘L’immense retour’ c’est aussi un clin d’œil à cet ‘Eternel Retour’ celui des amants mythiques. Le cinéma permet la résurrection. Il peut déjouer le temps, les temps. Le temps linéaire, vertical, les temps mythiques. Le cinéma, sa chimie, c’est aussi l’empreinte du temps à l’œuvre. Une apparition. Une désagrégation. Le choix de la pellicule s’est donc imposé pour raconter / éprouver cette histoire. Par opposition les time laps, procédé photographique numérique, image par image, créer le mouvement de cette lente mutation des glaciers dans un temps de prise de vue paradoxalement figé.

– En quoi ce film s’insère dans votre travail de réalisatrice ? (Par le thème, le format, les destinataires ?)

 Il n’y avait pas de budget au départ sur ce film. Il s’est fabriqué dans l’attente d’un autre projet qui prenait du temps à être financé. J’ai eu la chance avec quelques amis d’avancer sur ce film comme on s’attarde à l’atelier, tranquillement : manier les images, les sons, tester les différentes pellicules, les mots choisis, ajuster chacune des révélations à l’image et au son en fonction des spectateurs. Une partie du montage s’est justement fait ici à Marseille au Polygone Etoilé avec le luxe de pouvoir projeter en salle et confronter régulièrement le film en construction au spectateur hasardeux ou averti. Qui tend oreille reconnaitra peut-être dans les craquements des glaces le claquement des mats du Frioul un soir de tempête. Le cinéma permet aussi cela : réinventer nos territoires, bricoler la montagne avec la mer.

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« L’immense retour (Romance) » a été projeté mercredi 23 novembre lors de la soirée qui s’est déroulée au cinéma Le Gyptis.